Agressions filmées et morts en direct : qui regarde la violence en ligne ?

Violence en ligne : images, diffusion et fascination du public

Les réseaux regorgent d’images violentes : agressions gratuites à Lausanne, exécutions en plein meeting, ou le décès en direct d’un streamer sur Kick. Ces séquences, vues des millions de fois, circulent sur X, Telegram, Kick et YouTube, où elles sont relayées, commentées et parfois glorifiées. Le public est composé de curieux, mais aussi d’amateurs du trash, fascinés par le réel brut et sans filtre.

Des contenus qui interpellent et alimentent une tendance

La curiosité morbide est une pulsion universelle qui peut servir à exprimer des mouvements agressifs par procuration, explique le professeur Pascal Roman, psychologue à l’Université de Lausanne. À l’ère numérique, ce réflexe peut devenir une stimulation permanente et certains psychologues évoquent une addiction au choc.

Selon Nicolas Burra, maître d enseignement de recherche à l’Université de Genève, l’exposition à des images violentes stimule les régions limbiques et temporales du cerveau liées à la gestion des émotions et du stress. Une surexposition peut toutefois conduire à une désensibilisation face aux contenus violents et accroître l’anxiété, l’irritabilité et l’isolement chez certains spectateurs.

Pour certains internautes, cette consommation peut aussi constituer un moyen inconscient de faire face à des traumatismes non reconnus et d’essayer de les transformer, selon Pascal Roman.

Du regard au geste : la participation active

Sur Kick ou Telegram, la violence n’est plus seulement observée, elle est aussi participée, ce qui s est produit lors du décès du streamer Jean Pormanove le 18 août 2025, devant un public enthousiaste. Ce drame souligne une dérive inquiétante : une communauté en quête d émotions extrêmes, transformant le spectacle de la souffrance en une expérience interactive, selon le Professeur Roman.

Les sociologues évoquent une nouvelle forme de catharsis collective : la violence devient une performance sociale pour exprimer des frustrations qui ne trouvent pas d’écho dans la vie quotidienne.

Des conséquences invisibles

Des études menées par l’Université de Boston et par la revue Journal of Medical Internet Research, spécialisée en santé mentale, indiquent que l’exposition prolongée à des images ultraviolentes peut augmenter les risques d’insomnie, de dépression et de stress post-traumatique, particulièrement chez les jeunes.

Angélique Gozlan, docteure en psychopathologie, souligne que l’origine du choc réside dans la décontextualisation des images et rappelle l’importance d’accompagner les enfants face à ces contenus non contextualisés, selon les colonnes du Temps.

Pour aider les plus jeunes, Pascal Roman rappelle qu’il faut accompagner les parents vers un soutien thérapeutique qui apportera des réponses sur l’intérêt d’éviter ce type de pratique.

La fascination pour la mort ou la violence n’est pas en soi une pathologie ; comprendre ce besoin de choc s’inscrit aussi dans le contexte d’une époque saturée d’images. Dans un monde où tout peut être regardé, le véritable défi pourrait être d’apprendre à regarder autrement.

Florise Vaubien

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